MISS GRIFF
[en allemand] : gaffe, erreur, faux-pas.
Dépêchée pour célébrer la grand-messe de la culture et de la santé, Miss Griff finira bien par l’exécuter, mais à bout portant.
Car maintenant, ils sont trois: Elle, sur scène, Lui (son amant), caché en coulisse, Eux (les spectateurs). Miss Griff va faire du dispositif théâtral la métaphore revisitée de la conscience humaine. C’est de sa vie intime qu’elle finit par parler, de l’homme aimé dont le corps se disloque et le cerveau déraille – mais prophétise. Sacrifié par la conjoncture, c’est Lui qui la pousse, comme pour d’autres la figure christique, à faire d’une harangue un sermon, d’une conviction, un crédo, d’une confidence un confiteor et d’un cri une prière.
Au nom de la mer, de la terre et du firmament, Nicole Charpail invente une liturgie et nous convie, par des moyens peu orthodoxes à exhumer pour les exécuter les Dieux et les Diables auxquels nous sommes en train de faire l’offrande de l’humanité.
DES THÉÂTRES DE L’AUTRE
Ouvrage collectif – Ed. ACORIA – mars 2001
Comment faire entendre que la pertinence de ces « théâtres »-là (qui ne se réduisent pas à des expériences d’art dramatique) ne tient pas au fait qu’ils convoquent en qualité d’acteur des personnes identifiées comme « autres », mais au fait que, depuis cette convocation, c’est la question même de l’altérité, telle qu’elle traverse chacun de nous, qui est placée au cœur de l’acte théâtral, au cœur de l’acte politique, au cœur de l’affirmation de vie ?
C’est à quoi s’essaie le présent ouvrage en forme d’abécédaire, rassemblant, sous une cinquantaine de mots-clefs, les contributions – non signées individuellement mais assumées en commun – de divers membres du Collectif « Théâtres de l’autre ». L’enjeu en est de rendre publique, dans ses frottements voire dans ses contradictions, une parole plurielle qui ne clôture pas ce dont elle témoigne, mais le questionne. Une parole qui s’expose depuis les théâtres de l’autre plutôt qu’un discours qui se poserait sur eux.
UN AMOUR SANS NOM
Nicole Charpail
(commander le livre sur internet)
Présentée sous la double forme d’un journal et d’une correspondance à une seule voix, l’exploration sans tabou d’une relation amoureuse destructrice qui conduira la narratrice dans un hôpital psychiatrique.
Pire qu’une brutale dépossession, une histoire à éclipses à laquelle elle ne peut se soustraire plonge la narratrice dans une lancinante dépression et l’amène au fil des pages à s’interroger : quelle est cette puissance plus forte que la volonté qui entretient l’addiction à un sentiment qui vous détruit ? La compassion n’a-t-elle pas de place là où a existé le désir ?
Et pourtant, même dans les pires moments, la narratrice finira par chercher refuge pour se protéger d’elle-même dans cet « HP » dont elle restitue avec une ironie lucide l’atmosphère et la vie de tous les jours, subsistera une part salutaire d’humour et d’autodérision.
Et La perspective de sortir grandie de cette confrontation aux « affres et merveilles de la passion ».
Actrice et auteure dramatique, animatrice d’ateliers de théâtre dans les prisons, elle explore de l’intérieur, dans toutes ses nuances, le dépit qui mène à la folie, organisant son chant de douleur en 481 fragments numérotés, organisés en 6 carnets. Les injonctions contradictoires du désir, les comportements indéchiffrables du partenaire, les (nombreux) éclairs de lucidité, le masochisme et l’instinct de conservation … L’amoureuse malmenée passe par toutes les étapes, mais c’est lorsqu’elle vérifie l’absence de compassion de son amant, quand l’évidence de la méprise (non seulement il l’aime pas, ne l’a peut-être jamais aimée, mais, surtout, il se moque de la blesser) apparaît dans toute sa cruauté, que les dernières défenses volent en éclats.
À la lecture du très beau premier roman de Nicole Charpail, on ne peut éviter de penser, d’abord, aux Lettres portugaises (1669). Comme dans l’œuvre de Guilleragues, la narratrice d’Un amour sans nom adresse à l’homme qui l’a séduite et déçue des lettres dont on ne nous livre pas les réponses. Comme dans les Lettres, l’écriture est le lieu où se déploie l’expression de la passion, de la souffrance et de la déception. […] En 481 fragments numérotés, Nicole Charpail cherche pourquoi ce grain de sable lui a fait toucher ses propres limites et l’a renvoyée à son incroyable solitude. L’écriture est la dernière trace d’un désir de vivre qui pourrait renaître, un désir d’entrer en relation avec ses semblables. Car elle postule, à n’en pas douter, que quelqu’un l’écoute tandis qu’elle se plaint que personne ne l’entend. Elle se croit parfois simple témoignage permettant que « quelqu’un d’autre qui vivrait cela puisse savoir qu’il n’est pas seul ». Elle est bien plus encore, cependant.